Internationalisation de la monnaie chinoise : Dan Koldyk répond à nos questions sur le renminbi

Internationalisation de la monnaie chinoise : Dan Koldyk répond à nos questions sur le renminbi

Entretien avec Dan Koldyk, analyste de recherche principal à Export Développement Canada (EDC), spécialiste de l’économie chinoise et du commerce sino-canadien. Dans le cadre de ses fonctions au sein du ministère des Affaires étrangères, Dan a passé douze ans en Chine ; il est l’auteur principal de la stratégie d’approche commerciale adoptée par le Gouvernement du Canada vis-à-vis de la Chine. Exportateurs avertis a discuté avec Dan Koldyk de ce que signifie l’inauguration d’un centre de change du renminbi (RMB) au Canada pour le commerce entre les deux pays.

Quels sont les avantages d’un centre de change du RMB?

En rendant les transactions plus efficientes et plus faciles pour les acheteurs chinois, le centre de change du RMB devrait stimuler les exportations. On estime en effet que l’inauguration de ce centre devrait entraîner des retombées commerciales directes de plus de 30 milliards de dollars. Permettre aux acheteurs chinois de payer leurs importations en RMB devrait produire des retombées immédiates pour les entreprises canadiennes, notamment pour les PME et, à terme, favoriser la croissance du volume des échanges commerciaux et l’établissement de partenariats plus solides entre les deux pays dans le domaine du commerce et des affaires.

Les choses fonctionnent de la manière suivante : lorsque le paiement est libellé en USD, les transactions sont plus lentes, plus compliquées et plus coûteuses. En revanche, si le financement des transactions commerciales se fera dorénavant en RMB, cela signifie que les exportateurs canadiens n’auront plus à convertir des devises en USD ou GBP dans les centres de change de Londres ou de Singapour où le RMB est échangé, et pourront ainsi éviter les coûts supplémentaires en devise étrangère qui accompagnent ce type de transaction, tant au niveau du taux de change réel que des inévitables frais de banque ou d’agence.

Quelle est la fausse idée la plus répandue concernant le centre de change du RMB?

La fausse idée la plus répandue est qu’il n’y a pas, actuellement, de convertibilité directe entre le CAD et le RMB, ou du moins pas encore. La convertibilité directe dépend du volume des échanges commerciaux et de sa croissance après l’inauguration d’un centre de change. (Les transactions continueront à être effectuées par le biais d’une troisième devise jusqu’à ce qu’un autre accord soit négocié et que le CAD et le RMB puissent être échangés directement).

Cela étant, vu l’importance du commerce entre le Canada et la Chine à l’heure actuelle, la conversion directe devrait devenir une réalité dans les six à douze prochains mois. Quoi qu’il en soit, sur le court terme, le centre de change du RMB permettra de réaliser des transactions entre CAD et RMB de manière plus efficace et de réduire les frais liés aux opérations de change.

Pourquoi cela est-il si important pour les entreprises canadiennes?

Une grande partie des transactions commerciales entre le Canada et la Chine concerne les matières premières. Le problème est que la Chine peut acheter ces matières premières à de nombreux pays, et pas seulement au Canada. Par conséquent, en supposant que l’Australie et le Canada offrent tous deux du blé de classe A, mais que les Australiens soient prêts à réaliser la transaction en RMB, à qui l’acheteur chinois donnera-t-il la préférence? Avant l’inauguration du centre de change du RMB, les entreprises canadiennes avaient de moins de marge de manœuvre pour négocier et elles devaient baisser leur prix unitaire pour compenser les frais de conversion des devises. Ce centre de change leur donne dorénavant une plus grande souplesse et un atout concurrentiel dont elles ne disposaient pas auparavant.

Cela permettra-t-il aux entreprises canadiennes de développer leurs activités sur le marché chinois?

Sans aucun doute. Avant l’inauguration du centre, les PME chinoises avaient besoin de liquidité en USD pour pouvoir faire du commerce avec le Canada. Pour un grand nombre d’entre elles, c’était tout simplement impossible. En Chine, un particulier ne pouvait convertir que 50 000 USD par an; et en ayant recours à un agent de change, seule une certaine quantité pouvait être convertie par jour. Cela représentait un gros obstacle.

Ainsi, si une entreprise canadienne passait un contrat d’un million de dollars avec un acheteur chinois, cela pouvait prendre jusqu’à vingt jours ouvrables pour que les fonds soient convertis et qu’elle puisse être payée. C’était un sérieux goulot d’étranglement. Aujourd’hui, les entreprises canadiennes peuvent faire des affaires en RMB, ce qui leur donne la possibilité de travailler avec une plus grande variété de clients chinois, et pas seulement avec les grosses sociétés.

 Y a-t-il d’autres avantages?

Les produits d’une entreprise canadienne acceptant des paiements en RMB sont plus attrayants pour l’acheteur ; c’est en quelque sorte la cerise sur le gâteau. De plus, le RMB est une devise stable : ce n’est qu’en 2014 qu’elle a été dévaluée pour la première fois, mais avant cela, les acheteurs chinois n’avaient pas intérêt à acheter en RMB car ils risquaient de perdre de l’argent si la valeur de cette monnaie augmentait. Et comme je l’ai déjà dit, avec le centre, les conditions de paiement sont plus faciles, les entreprises canadiennes sont payées plus rapidement, et le processus est moins frustrant pour les acheteurs chinois… bref, tout cela nous rend plus compétitifs.

Le fait est qu’au niveau international la Chine est la plus grande puissance commerciale, qu’elle représente la deuxième économie mondiale et que ses échanges commerciaux avec l’Union européenne surpassent ceux de n’importe quel autre pays. Le besoin d’une structure permettant d’échanger le RMB a véritablement pris une dimension mondiale.

Voir aussi : Nouveau Centre d’échange du renminbi : quatre points à retenir

Catégories Asie-Pacifique

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