Les exportations en 2015 : Dans un contexte de volatilité, les exportations canadiennes éveillent un appétit vorace

Les exportations en 2015 : Dans un contexte de volatilité, les exportations canadiennes éveillent un appétit vorace

L’année 2015 a sans contredit connu son lot d’aléas économiques. Parmi les principaux, citons le plongeon du huard, la contraction de l’économie chinoise, des  avancées dans les négociations du Partenariat transpacifique, l’optimisme suscité par la ratification imminente d’un accord commercial avec l’Europe, la chute des cours des produits de base et les rajustements incessants du marché induits par l’imprévisibilité des taux d’intérêt.

Maintenant, passons en revue les dix faits marquants de 2015 sur la scène du commerce international.

1) La chute des cours des produits de base

La chute des cours du pétrole, des métaux de base et du gaz naturel a pris de court, tout comme la vitesse et l’ampleur de la dégringolade.

« Voilà ce qui se produit après six ou sept années de déséquilibre, lorsque les cours progressent à niveaux supérieurs à ce que le marché peut tolérer », déclare Peter Hall, économiste en chef à Exportation et développement Canada (EDC).

Dans l’économie canadienne, cette chute a entraîné d’énormes répercussions sur les activités commerciales de la filière énergétique, les marges bénéficiaires ayant été les premières à écoper. Les effets se font sentir à retardement, selon M. Hall; mais une fois que domine le nouveau paradigme régissant les cours, il faut savoir prendre des décisions audacieuses.

« Ces jours-ci, les annulations de projets et les restructurations lourdes se multiplient, et cela devrait durer environ deux ans. Au bout du compte, c’est toujours moins dramatique qu’il n’y paraît. Sous l’effet de la panique, de la perspective des résiliations de contrats et des pertes de trésorerie le long de la chaîne d’approvisionnement, chacun sort sa calculatrice et accepte d’offrir au consommateur des gains appréciables. »

2) La reprise de l’investissement dans le secteur automobile

La reprise de l’investissement a démarré vers la fin 2014, avec les généreuses enveloppes annoncées par Ford et Honda, puis s’est poursuivie en janvier avec un investissement de 2 milliards de dollars dans un véhicule utilitaire multisegment de gamme Fiat, annoncé à Windsor par Sergio Marchionne, chef de la direction de Fiat Chrysler. En janvier, le fabricant de pièces Linamar a par ailleurs annoncé un investissement de 500 millions dans son usine de Guelph, qui attirera aussi 1 200 travailleurs qualifiés. Enfin, en juillet, Toyota a annoncé un investissement de 421 millions dans la production des modèles Lexus RX 350 et RX 450H.

« Après des années de lamentations, à prédire la fin de l’investissement dans le secteur automobile, voilà que nous assistons à un déluge d’annonces », commente M. Hall. « La capacité sur le marché américain est presque totalement utilisée; l’activité de ce secteur est par conséquent très florissante. »

Ces annonces ont dynamisé l’économie et contribué à l’embauche, au resserrement de la production et à un fort regain d’optimisme dans le secteur. « Cela montre que le secteur a, tout compte fait, un bel avenir devant lui », déclare M. Hall.

3) L’envolée des exportations non énergétiques

Tandis que les exportations énergétiques étaient frappées de plein fouet, les recettes d’exportations affichaient une croissance à deux chiffres dans certains secteurs, notamment l’automobile, les engrais et l’aéronautique. L’industrie de la machinerie et de l’équipement enregistrait elle aussi une croissance vigoureuse, quoiqu’inférieure à 10 %. « Tous ces secteurs pâtissaient de la force du huard; ils ont donc accueilli avec soulagement la dépréciation de notre monnaie. »

Autre fait intéressant, la demande en mobilier de bureau canadien connaît une forte hausse. « Notre secteur national est relativement imposant, et la demande ne tarit pas aux États-Unis », explique M. Hall.

4) Le PTP et l’AECG

Le Partenariat transpacifique (PTP) est un accord commercial de nouvelle génération, qui encadre des aspects que Doha ne pouvait régir efficacement, selon M. Hall. « Il débarque au beau milieu du secteur agricole pour y faire tomber les barrières. La Nouvelle-Zélande a pris une bonne longueur d’avance dans ce domaine : à comparer aux cloisons enveloppant son secteur agricole, Fort Knox avait l’air d’un parc pour bébé. Faire tomber ces barrières a permis de montrer au reste du monde que c’était possible de le faire efficacement et d’y trouver son compte. »

Notons que l’accord ne libéralise pas seulement le secteur agricole, mais aussi celui de l’automobile – une bénédiction pour les fournisseurs canadiens de premier niveau.

Interrogé à savoir s’il redoutait que les États-Unis ne ratifient pas l’accord – les meneurs des primaires républicaines et démocrates s’y étant publiquement opposés –, M. Hall répond ceci : « Je ne m’en fais pas trop avec les grands discours en période électorale. Cet accord assoit la position des États-Unis dans la région; autrement, il sera centré sur la Chine. »

Selon Brian Kingston, associé principal et responsable du commerce international au Conseil canadien des chefs d’entreprise, l’émergence d’accords commerciaux multilatéraux – le PTP et l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Europe – est le fait marquant de 2015.

5) Le plongeon du huard

« La chute fulgurante du huard a changé la donne. Selon nous, le dollar canadien devrait faire du surplace pendant un bon moment », déclare M. Hall. D’après lui, les exportateurs devront ajuster leurs plans à long terme en fonction du cours actuel. « Certaines entreprises étaient pensées pour fonctionner avec un dollar à parité. Elles doivent assumer des coûts plus élevés, mais d’un autre côté, beaucoup de sociétés canadiennes profitent largement de la situation. »

Pour Jayson Myers, président et chef de la direction de Manufacturiers et Exportateurs du Canada, il s’agit du fait marquant de 2015, ex aequo avec le rebond de la demande aux États-Unis – tous deux ayant engendré une forte hausse des exportations canadiennes.

6) Les accords de libre-échange avec la Corée et l’Ukraine

Selon Todd Winterhalt, vice-président, Développement des affaires – Marchés internationaux à EDC, même si aucun de ces accords ne changera la donne, ils montrent bien que le Canada se redresse et que le commerce est à l’ordre du jour.
La poursuite des accords bilatéraux et l’émergence d’accords multilatéraux seront des incontournables en 2016.

7) La poursuite des négociations commerciales

Le Canada négocie un certain nombre d’accords. Avec l’élection de Narendra Modi comme premier ministre de l’Inde, on nourrit de grands espoirs de voir aboutir l’Accord de promotion et de protection des investissements étrangers (APIE) Canada-Inde. Le Canada prépare aussi un accord avec le Japon, et un autre avec Singapour. D’autres pourparlers sont en cours avec des États plus modestes, comme la République dominicaine, le Maroc, le Guatemala, le Nicaragua, El Salvador et la Communauté des Caraïbes (CARICOM).

« Le Canada fait un retour en force à la table des négociations », soutient M. Hall. De nouvelles priorités commerciales sont attendues de la part du gouvernement nouvellement élu. « Nous attendons de voir sur quoi sera mis l’accent. D’emblée, je dirais que la Chine et l’Inde figureront parmi les priorités. »

8) Le rejet du projet Keystone

Selon M. Hall, sans la dégringolade des cours de l’or noir, les débats entourant le rejet du projet par les États-Unis auraient été beaucoup plus houleux. « La multiplication des réserves de pétrole de schiste dissipe les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité énergétique. En fait, on parle même d’exporter les ressources nationales.

Pour l’instant, plus question d’acheminer du pétrole brut vers le Sud de la frontière. « L’idée n’est pas écartée à tout jamais, mais c’est beaucoup plus intéressant de construire des pipelines d’Est en Ouest. »

 9) La Chine détrône le Canada comme premier partenaire commercial des États-Unis

« Voilà une tempête dans un verre d’eau », commente M. Hall. « La Chine a pris la tête des nations dans la sphère du commerce des marchandises. Mais, même si la valeur des échanges canado-américains a reculé, si l’on tient compte des services, le Canada est toujours le premier exportateur vers les États-Unis – et compte le rester encore longtemps. »

10) Les hausses de taux d’intérêt

Les marchés anticipent les mouvements de taux d’intérêt et en compensent déjà les effets. Ainsi, en septembre, les signaux contradictoires de la Réserve fédérale – une hausse attendue, mais jamais concrétisée – ont véritablement pris les marchés à revers, selon M. Hall. « Toutes les positions prises sur des contrats à terme ont commencé à être liquidées. Les marchés suivent des trajectoires erratiques, incapables de composer avec l’incertitude ou de résister à l’occasion de profiter de la volatilité. » D’après lui, la Fed doit s’inquiéter des tensions sur le marché du travail et des hausses salariales qui pourraient échapper à toute emprise. « Quand pareille conjoncture influe sur l’inflation, il devient difficile de reprendre les rênes. La gestion des attentes est donc un aspect primordial du travail de la Fed. »

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