La révolution numérique, porteuse d’un énorme potentiel pour l’exportation des services canadiens

La révolution numérique, porteuse d’un énorme potentiel pour l’exportation des services canadiens

D’emblée, les fondateurs de Miovision Technologies Inc. savaient que leur produit attirerait des clients bien au-delà du Canada.

« La congestion routière est un problème partout », affirme Tony Brijpaul, cofondateur de cette entreprise de Kitchener qui aide les villes à planifier et à gérer les réseaux routiers.

« Dès ses débuts, Miovision avait l’occasion d’accroître ses revenus, sa présence et sa clientèle sur la scène mondiale. »

En 2007, deux ans après le lancement de l’entreprise par M. Brijpaul et ses camarades du programme d’ingénierie de l’Université de Waterloo, Kurtis McBride et Kevin Madill, Miovision a fait sa première vente à The Traffic Group, une société de Baltimore.

Les affaires ont crû rapidement depuis, les revenus augmentant d’environ 30 % par année.

À ce jour, l’entreprise a servi plus de 13 000 municipalités dans plus de 50 pays. Environ 70 % de ses recettes viennent des États-Unis, 10 % du Canada et 20 % d’Europe, d’Australie et d’Asie.

La révolution numérique, un tremplin pour le Canada

Miovision fait partie de ce nombre croissant d’entreprises canadiennes qui vendent à l’étranger grâce à une révolution numérique qui touche de nombreux secteurs, notamment l’infonuagique, l’Internet des objets (Internet industriel), les logiciels intelligents et les véhicules automatisés.

La transformation numérique a entraîné « une hausse spectaculaire du commerce des services, et donc des ventes mondiales de services pour le Canada », d’après un rapport récent du Conference Board du Canada intitulé La nouvelle ère commerciale et technologique du Canada : Savoir doser les politiques.

« En commerce international, le secteur tertiaire attire moins l’attention que les secteurs primaire et secondaire, mais il a son importance, puisqu’il représente la moitié de ce commerce et près de la moitié du total des échanges du Canada lorsqu’on le mesure en fonction de la valeur qu’il crée », indique le rapport.

Le Conference Board souligne aussi que parmi les cinq secteurs d’exportation qui ont crû le plus rapidement depuis dix ans figurent les services financiers, les services informatiques et les services de gestion.

« Les services constituent la branche la plus active du commerce mondial ces dernières années », précise-t-on dans le rapport, qui ajoute que la numérisation transforme aussi les industries traditionnelles, comme celles de la fabrication et de l’ingénierie.

« Dans l’avenir, les entreprises de fabrication et d’ingénierie seront de véritables sociétés de données qui géreront d’immenses quantités de données sur la logistique et le comportement des consommateurs. »

Pensons à l’annonce récente de General Motors, qui engagera jusqu’à 750 ingénieurs et créateurs de logiciels au Canada pour l’élaboration de la technologie destinée aux voitures autonomes et communicantes sur le marché mondial et qui ouvrira un centre pour ingénieurs en logiciel à Markham, en Ontario.

Selon Mark Reuss, vice-président exécutif, Développement des produits mondiaux, Achats et chaîne d’approvisionnement de GM, la société a choisi le Canada « en raison de son esprit d’innovation, de son talent et de son écosystème d’universités de renom, d’entreprises en démarrage prometteuses et de fournisseurs novateurs ».

Le secteur canadien des services financiers cherche aussi à développer ses liens avec les entreprises technologiques en démarrage. Ainsi, le Groupe TMX a annoncé qu’il financera un groupe de travail indépendant qui étudiera comment élargir l’accès au capital de croissance pour les entreprises de l’économie de l’innovation. La Table ronde pour propulser l’innovation (Advancing Innovation Roundtable) fera rapport au début de 2017 sur les façons d’aider ces entreprises à accroître leurs activités et à obtenir des capitaux de développement. L’accent sera notamment mis sur la technologie, les technologies propres, les sciences de la vie et la fabrication de pointe.

« Le Canada accuse un retard en ce qui concerne le développement de sociétés technologiques de taille en tête de marché », affirme Salil Munjal, commandité de Yaletown Partners, une société de placement de Vancouver axée sur les entreprises de technologie.

Selon le Conference Board, « [les entreprises] qui sauront le mieux tirer parti de l’accélération de la circulation mondiale des données seront les mieux placées pour prospérer sur les marchés mondiaux. »

La diversification, atout essentiel sur le marché mondial

Un nombre croissant d’entreprises canadiennes profitent déjà de la nouvelle conjoncture et exportent leurs produits et services à des acheteurs enthousiastes partout dans le monde.

Outre Miovision, citons Global Relay, une entreprise de Vancouver spécialisée dans l’archivage infonuagique de documents de conformité pour les services financiers; Kinaxis, d’Ottawa, qui offre des solutions infonuagiques pour les chaînes d’approvisionnement; et RedKnee Solutions Inc., de Mississauga, qui fournit des logiciels de facturation pour le secteur mondial des télécommunications.

Ces entreprises laissent espérer que l’économie du Canada saura se diversifier et trouver des sources de croissance hors des secteurs primaire et secondaire traditionnels.

« Le “boom” d’entreprises canadiennes à valeur élevée prouve la vigueur de la demande dans ces industries », assure Claudia Verno, directrice de groupe et économiste principal à Exportation et développement Canada (EDC).

Ces entreprises offrent une vaste gamme de services, de la conception de logiciel et des technologies de l’information aux services techniques et scientifiques (architecture, l’ingénierie…).

« La révolution provoque un changement de paradigme, dit Mme Verno. C’est l’avenir. »

La diversification devrait non seulement réduire la dépendance du Canada envers les richesses naturelles, mais aussi augmenter sa compétitivité sur la scène mondiale, qui selon le Conference Board, favorise maintenant les services d’affaires de grande valeur pour différentes technologies et plateformes.

« Il faut repenser la croissance économique », a déclaré Danielle Goldfarb, directrice du Centre du commerce mondial du Conference Board et coauteure du rapport, en entrevue.

Le Canada se trouve face à « un contexte commercial et économique mondial qui a énormément changé, dit-elle, marqué par une croissance faible et une augmentation de la circulation des données, des personnes, des services et des investissements ».

C’est pourquoi le Conference Board recommande aux décideurs de concevoir des politiques, des programmes et des règlements qui contribuent à la création de débouchés et favorisent la demande de technologies et de services au pays et à l’étranger.

« Toutes les entreprises devront miser sur la technologie et les données », prévient le Conference Board. Le Canada doit favoriser l’adoption des technologies dans tous les domaines où il se démarque dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire.

« On dira que l’extraction de ressources, une des forces canadiennes, n’a rien de numérique. Toutefois, la numérisation facilite la vente des services à l’étranger ainsi que la coordination des chaînes d’approvisionnement mondiales. »

Mme Goldfarb avance de surcroît qu’à l’avenir, le commerce devra promouvoir l’innovation. Pour ce faire, il faudra investir non seulement dans les infrastructures physiques, mais aussi dans la prochaine génération d’infrastructures technologiques et à large bande.

« [Les] futurs bénéfices commerciaux [du Canada] seront différents de ceux connus dans un passé récent, et une nouvelle stratégie canadienne sera nécessaire pour en profiter pleinement, » écrit-elle avant d’ajouter que l’élimination des tarifs douaniers ne suffira pas. « Les politiques doivent poser les bases qui aideront toutes les entreprises à devenir des spécialistes de la technologie et à être en mesure de tirer parti d’un avenir dans lequel les données joueront un rôle essentiel. »

Selon le rapport, le gouvernement canadien doit affiner sa stratégie commerciale pour préparer les entreprises à la prochaine génération de débouchés.

« Le Canada peut s’attendre à d’autres perturbations et il devra se positionner de manière à tirer parti des avantages des nouveaux développements technologiques, tout en atténuant leurs incidences négatives. »

Le flux mondial de données mène le commerce 

D’après les experts, les entreprises canadiennes doivent non seulement réinvestir dans leur capacité de production, mais aussi viser d’autres marchés que les États-Unis.

« Le flux mondial de données, naguère presque négligeable, s’intensifiera et donnera naissance à de nouvelles formes de commerce pour lesquelles il faudra créer des politiques, des programmes et des règlements », prévient Mme Goldfarb, soulignant que la numérisation entraîne déjà la restructuration d’entreprises d’exploitation de ressources, de fabrication et de services au Canada et ailleurs.

« Toutes les entreprises devront déterminer comment stocker, évaluer et utiliser cette pléthore de données, et trouver ou adopter rapidement des solutions novatrices pour conserver leur pertinence compte tenu de la place que prendront ces données. »

Mme Verno signale qu’un rapport d’EDC, Chasing the Chain: Canada’s Pursuit of Global Value Chains, souligne que les entreprises sont de plus en plus actives sur les marchés étrangers et reposent sur un modèle d’affaires diversifié qualifié de « commerce d’intégration ».

« La réussite à l’étranger se répercute au pays », y affirment les recherchistes d’EDC Daniel Koldyk, Lewis M. Quinn et Todd Evans.

Les entreprises canadiennes misent maintenant beaucoup plus sur les investissements et les sociétés affiliées à l’étranger, et moins sur les États-Unis.

« Cette approche leur permet d’augmenter l’efficacité de leur production, de profiter de la croissance de la consommation sur les marchés émergents, d’exploiter les réseaux de commerce Sud-Sud et de franchir les obstacles à l’accès aux marchés », indique le rapport d’EDC.

Elle favorise aussi l’augmentation des revenus et les possibilités d’exportation et contribue à l’économie canadienne en soutenant des emplois de même que des activités de recherche et développement et des services professionnels : comptabilité, services-conseils, services juridiques…

Selon M. Brijpaul, de Miovision, l’appui de l’État est essentiel pour les entreprises de technologie en démarrage, qui génèrent des milliers d’emplois et stimulent l’investissement au Canada et ailleurs.

« Les perspectives pour les entreprises de technologie canadiennes ne feront que s’améliorer, soutient-il. Notre secteur ne cesse de se consolider, jour après jour. »

Catégories Technologies et télécommunications

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