Investissement 101 est de retour

Les actions d’une entreprise s’envolent à la Bourse? Il est difficile de résister à la tentation d’en acheter. Et lorsque la solide performance de ces titres se répète année après année, on est naturellement enclin à y consacrer une large part de notre portefeuille. Cette analogie illustre bien ce que représente l’économie américaine pdour le Canada : une relation qui nous a été très profitable et où nous nous sommes profondément investis. Les spécialistes de l’investissement nous reprocheraient volontiers de « mettre tous nos œufs dans le même panier ». Depuis longtemps, on insiste sur le fait que le Canada doit diversifier ses activités commerciales et internationales au-delà du marché américain. Alors, avons-nous fait des progrès à ce chapitre au cours des dernières années?

Le Canada était sur une lancée avant la récession. Par exemple, dans les années 2000, la part des marchandises canadiennes expédiées vers les marchés émergents s’élevait à tout juste 5 %. En 2008, elle avait grimpé à 11 %, un bond remarquable durant un bref intervalle. La récession n’a épargné aucune économie, mais la performance supérieure des marchés émergents nous a permis d’accroître la diversification de nos exportations. En 2013, tout près de 15 % des exportations canadiennes de marchandises prenaient la direction des marchés émergents. Depuis, ce pourcentage n’a pas bougé, ce qui a incité certains à conclure que ce bel élan s’est essoufflé. Cette absence de progression est survenue alors que nous intensifiions nos activités sur le marché américain, encouragés par la faiblesse du huard et le regain de la croissance aux États-Unis. Est-ce vraiment la voie de l’avenir?

Il ne sera pas facile de résister à l’attrait du marché américain. En effet, en tant que moteur de la croissance mondiale, l’économie américaine génère une bonne partie de l’activité commerciale du globe, et devrait le faire encore dans un horizon à court terme. Malgré tout, depuis cinq ans, les ventes d’exportations du Canada à destination de la Chine, du Mexique et de l’Inde dépassent constamment la croissance de nos exportations vers les États-Unis – et cette situation devrait probablement persister pendant un bon moment. Comme les marchés émergents devraient dans l’ensemble afficher une croissance supérieure, cette tendance devrait s’accentuer. Dans ce contexte, le Canada renouvellera ses efforts de diversification.

Quelle est l’ampleur de ce mouvement? Le marché américain se taille toujours la part du lion du commerce extérieur du Canada – et cela ne changera pas de sitôt. Cependant, si les tendances récentes en matière de croissance se maintiennent, on anticipe une diminution de la part de nos échanges avec ce marché, qui passerait du taux actuel de 75 % à 69 % d’ici 2030.

Cette hypothèse serait prudente, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les marchés émergents ont généralement connu des difficultés ces dernières années. Ils ont réduit leurs imposants programmes de relance, et en l’absence d’une solide reprise de l’activité sur les marchés développés, le monde émergent a perdu un peu de son éclat. Deuxième raison : certains marchés émergents de premier plan, notamment la Russie et le Brésil, ont vu leur croissance stoppée par une conjoncture intérieure négative. Enfin, troisième raison : le plongeon du cours des produits de base à la mi-2014 a entraîné une panne de la croissance dans les pays tributaires des secteurs de l’énergie et des mines. Ces développements étant d’habitude passagers, la croissance devrait s’accélérer au cours des prochaines années.

Mais il y a plus. L’accroissement de la richesse sur les marchés émergents se traduira, au fil du temps, par une évolution de la demande au sein de ces économies. Et c’est une certitude : ces économies auront encore besoin des ressources de base produites par le Canada. Forte de leur prospérité nouvelle, ces économies connaîtront également un réveil de la demande pour des biens canadiens à forte valeur ajoutée, tels que la machinerie, les produits de transport et une foule de produits de consommation. Comme ces demandes progresseront à partir d’une base inférieure, la hausse globale de nos exportations vers les marchés à forte croissance devrait être nettement plus marquée qu’aujourd’hui. Les chiffres montrent que cette diversification pourrait dépasser la projection linéaire actuelle.

Nos efforts de diversification ne se limitent pas aux marchés émergents. Le nouvel Accord économique et commercial global (l’AECG) conclu entre le Canada et l’Europe multipliera les débouchés sur l’un de nos marchés traditionnels. D’ailleurs, il est raisonnable de penser que notre activité sur le continent européen pourrait représenter une part plus substantielle du total. La diversification ne se résume pas au commerce des marchandises. Les exportations de services constituent une part grandissante des activités commerciales générales du Canada, et la part de nos services exportés aux États-Unis – soit 55 %, selon les derniers chiffres – est déjà sensiblement plus faible que celle pour les biens exportés sur ce marché.

Conclusion?

La diversification du commerce semble être tantôt dans l’air du temps, tantôt démodée. Quoi qu’il en soit, elle reste une puissante force au sein de l’économie canadienne – et le restera sans doute pendant un bon moment. Nos marchés traditionnels demeureront les principales destinations de nos exportations, mais les marchés en effervescence hors des sentiers battus auront longtemps une influence déterminante sur nos activités commerciales.

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