La mondialisation en péril?

Son ampleur est si grande qu’elle touche chaque région, chaque pays et chaque entreprise – et sans doute tous les habitants de la planète. Elle est devenue partie intégrante de tout ce que nous faisons, sans même que nombre d’entre nous en prennent note. Aujourd’hui, il est question d’y mettre fin. Il est difficile d’estimer toute la portée et tous les effets de ce que nous appelons « la mondialisation ». L’activité timide de l’économie depuis la fin de la récession – une activité poussive qui a laissé beaucoup de travailleurs sur la touche – est une source de frustration, mais une mince majorité semble croire que la mondialisation est à blâmer. Cette situation est inquiétante, à tel point qu’elle occupe aujourd’hui la tête du classement mondial des risques. Alors, est-ce la fin de la mondialisation?

Détricoter la mondialisation se ferait au prix fort et, de ce fait, un tel projet présenterait un risque majeur. Depuis des décennies, les consommateurs de partout sur le globe peuvent accéder à des produits fabriqués à faible coût dans diverses régions du monde – ce qui leur a fait épargner des sommes inestimables. Mettre un terme à la mondialisation viendrait aussi à un prix inestimable. Mais il y a un autre coût connexe. La mondialisation a permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté, et à des nations riches de ramener le chômage à des taux parmi les plus bas de l’histoire récente. Le retour à un système économique isolé et localisé atténuerait sensiblement l’effet net sur l’emploi. Or, il y a d’autres avantages : les gains tirés de la libéralisation des échanges – dont profitent les pays exploitant avec efficacité leur avantage comparatif – sont bien documentés dans les recherches sur le commerce international.

Oublions un moment les coûts immédiats. Demandons-nous si une telle opération est logiquement possible en considérant plusieurs éléments. Le premier : il est beaucoup plus simple d’imposer des politiques d’entrave au commerce que de dynamiser l’investissement intérieur devant remplacer les flux commerciaux interrompus. À vrai dire, le simple citoyen pourrait bien manquer de patience à l’égard de ces politiques. Second élément : la technologie qui a rendu possible la création de liens commerciaux à l’international ne disparaîtra pas dans un monde davantage tourné vers le protectionnisme. Troisième élément : les obstacles au commerce finissent par bénéficier à ceux qui en sont la cible. En effet, déterminés à survivre, les pays victimes du protectionnisme sont forcés d’être sans cesse plus réactifs et concurrentiels – bien plus que les nations érigeant des murs tarifaires. Résultat : à terme, ces restrictions commerciales pénalisent ceux qu’elles étaient censées protéger. Quatrième élément : la voix de l’actionnaire a été singulièrement silencieuse, mais quand elle se fera entendre, il y a fort à parier qu’elle s’exprimera avec force en faveur de la mondialisation. Enfin, cinquième élément de poids : une modification de l’architecture n’est pas vraiment nécessaire en ce moment. En réalité, les voix dissidentes militent pour un renouveau économique – et c’est ce qui est en train de se produire sans intervention extérieure.

Les États-Unis en sont le parfait exemple. Après sept longues années d’attente, des groupes clés mis sur la touche par une croissance apathique – des travailleurs âgés et des membres de la génération du millénaire – sont résolument de retour sur le marché du travail. D’ailleurs, la capacité industrielle se resserre à nouveau, et plusieurs industries doivent mettre les bouchés doubles. Vu les niveaux élevés de la confiance, l’investissement commercial devra aussi accélérer la cadence. Une seule chose barre la route à une performance du tonnerre : un secteur des exportations freiné par le billet vert.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne (ou l’UE) reprend à son tour du tonus. Le chômage, qui n’a cessé de se résorber sur ce marché depuis la mi-2013, est maintenant à peine 1,2 point de pourcentage au-dessus du creux atteint avant la récession – un véritable tour de force. Après un long passage à vide, la participation de la main-d’œuvre aux États-Unis est aussi repartie à la hausse. L’utilisation de la capacité à l’ensemble de l’UE a atteint un sommet depuis la grande récession – le signe révélateur d’une demande comprimée sur le marché.

Voilà sans doute la nouvelle la plus réjouissante qu’aient entendue les marchés émergents depuis des années. Le resserrement aux États-Unis et dans l’UE ne peut qu’annoncer des jours meilleurs pour les exportations dans le monde émergent – une aide qui sera très opportune pour les marchés confrontés à un déficit de capacité, une capacité excédentaire, des cours en berne des produits de base et la montée des coûts d’emprunt.

À la lumière de tous ces éléments, EDC table dans ses Prévisions à l’exportation sur une croissance mondiale de 3,5 % en 2017 et de 3,8 % l’an prochain. L’activité des exportations totales du Canada devrait grimper de 6 % cette année grâce à un sursaut des cours des produits de base, et de 5 % en 2018 au gré de l’accélération de la croissance mondiale.

Conclusion?

Les données actuelles révèlent que l’économie mondiale donne aux gens ce qu’ils désirent vraiment : de la croissance, des emplois et le feu vert pour une expansion continue. Pourtant, force est de constater que nous ne sommes plus en 1983. Le libre-échange est à présent fermement ancré dans le paysage économique; chercher à démanteler son architecture constitue donc une sérieuse menace à la croissance actuelle. Si la réalisation d’un tel risque est en définitive improbable, la conjoncture que nous connaissons offre alors des possibilités parmi les plus brillantes du nouveau millénaire.

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