Le dollar canadien préoccupe de plus en plus. Voilà à peine une semaine que j’ai amorcé Parlons exportations, la tournée pancanadienne d’un mois durant laquelle je présente notre nouvelle édition des Prévisions à l’exportation. Les questions posées lors des conférences et mes entretiens avec les participants montrent que le huard est de nouveau sur l’écran radar. Et ce n’est pas surprenant : vu l’incertitude politique et le repli naissant de cours des produits de base, l’orientation à court terme de notre monnaie ne semble pas très claire. Le récent épisode de faiblesse persistera-t-il? Est-ce que le huard restera stable? S’appréciera-t-il de façon marquée?
Le récent épisode de faiblesse semble inquiéter le plus. Le huard, qui par rapport au dollar américain s’échangeait dans la fourchette moyenne et supérieure des 70 cents au cours de la dernière année, a glissé dans la fourchette des 73 cents et progressivement perdu de l’altitude. On est bien loin de l’envolée du huard de 2014. Après avoir culminé à 93 cents face au billet vert en milieu d’année, le huard a plongé dans la fourchette supérieure des 60 cents au début de 2016, après la chute des cours des produits de base. Notre dollar a orchestré une remontée partielle – réconfortante pour plusieurs –, mais sa trajectoire généralement à la baisse attire depuis l’attention.
Les cours des produits de base sont en partie à l’origine du problème. De l’avis de nombre d’analystes, la croissance économique était censée propulser les cours des produits de base dans la direction opposée. Ce scénario se fondait sur l’hypothèse qu’un renforcement de l’économie mondiale devait faire monter les cours des matières premières. Le plongeon des cours pétroliers et des métaux de base a donc été interprété comme un autre signe de l’essoufflement de l’économie mondiale, et cela a perduré pendant un moment. Depuis, les grandes locomotives économiques semblent accélérer la cadence. De nombreux analystes n’ont pas tenu compte du fait que l’assouplissement quantitatif a gonflé les cours des produits de base, et que la poussée de la croissance a incité la Fed à mettre fin à son programme – ce qui a brisé l’élan des cours.
Voici le dilemme auquel nous sommes confrontés : si les cours des produits de base ont été artificiellement maintenus élevés pendant des années – ce qui a entraîné un surinvestissement dans les secteurs des mines et de l’énergie – alors personne ne sait vraiment à quoi ressemblent des cours équilibrés. D’ailleurs, le marché tente toujours de reprendre pied. Et tant aussi longtemps que les facteurs ayant un effet déterminant sur notre monnaie ne se stabilisent pas, nous pouvons nous attendre à ce que le huard fasse de même.
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Les taux d’intérêt sont un autre facteur. La Fed resserre sa politique monétaire en raison des tensions imminentes sur la capacité qui s’exercent sur l’économie américaine. La situation est différente au Canada. Rien ne semble annoncer un relèvement des taux au pays, étant donné le fort endettement des consommateurs et les prix élevés dans le marché du logement. Depuis longtemps, les marchés en ont prévu les effets sur la monnaie, mais tout nouveau signe de faiblesse pèsera sur le huard.
Et puis il y a le billet vert. Il s’est nettement apprécié face à toutes les devises dans un contexte marqué par le recul des cours des produits de base, et plus récemment, par des gestes de bravade politique lors de l’élection et l’investiture du nouveau président. Dans le même temps, on observe des inquiétudes au sujet de l’avenir du Royaume-Uni et des questions existentielles entourant la baisse des devises dans l’UE. Le yen a profité de la conjoncture, mais le dernier mouvement observé a été une augmentation des principales devises vis-à-vis le dollar américain – c’est-à-dire de toutes les principales devises non tributaires des produits de base. Cette évolution pourrait être attribuée au bilan préestival, à l’évaluation de progrès relatifs sur le plan économique et à l’incertitude à l’égard de certains facteurs d’équilibre clés liés aux matières premières.
Que nous réserve l’avenir? L’incertitude généralisée devrait persister, mais les données actuelles s’orientent du côté de la croissance. En effet, le marché de l’emploi demeure robuste aux États-Unis, et celui de l’UE suit de près. D’ailleurs, les entreprises semblent partager cet optimisme. Les États-Unis étant en tête du peloton, le billet vert devrait rester vigoureux, puis ralentir un peu la cadence à court terme alors que d’autres économies gagnent du terrain. La demande en biens de base sur les marchés émergents devrait prendre la même direction, ce qui est un signe positif pour l’évolution à court terme des produits de base. Cependant, les gains sur les cours des matières premières seront tempérés par une offre abondante, qui résulte d’investissements substantiels du fait de la persistance de cours élevés dans les secteurs pétrolier et gazier, ainsi que dans l’industrie minière.
De façon générale, tous ces signaux laissent présager une appréciation – quoique très légère – du dollar canadien à moyen terme. Selon nos prévisions, face à la devise américaine, le huard devrait se maintenir en moyenne à 76 cents cette année, puis à 78 cents en 2018. L’euro devrait s’échanger en moyenne à 1,39 en 2017 et à 1,33 l’an prochain par rapport au dollar canadien.
Conclusion?
Malgré la tourmente qui secoue la sphère des politiques, le huard semble promis à une période de stabilité inhabituelle – qui tombe à point nommé.