Cette entrevue fait partie de la série sur le secteur du bois d’œuvre.
Pour en savoir plus sur les débouchés à l’exportation pour les entreprises du secteur, lisez L’innovation, plus que l’effervescence du marché de l’habitation américain est la planche de salut à long terme de l’industrie canadienne du bois d’œuvre
L’histoire de la vancouvéroise Conifex Timber Inc. illustre à merveille le rôle décisif que peut avoir l’exportation dans les activités d’une entreprise.
Pendant que l’industrie canadienne du bois d’œuvre était paralysée par l’effondrement du marché immobilier d’habitation aux États-Unis, Conifex achetait deux scieries inutilisées, à Fort St. James et à Mackenzie, au cœur de la Colombie-Britannique. La première fut rachetée de Pope & Talbot Inc. en 2008, et la seconde, d’Abitibi‑Consolidated, en 2010. À l’époque, les centaines de personnes ayant travaillé dans ces usines étaient désormais sans emploi, et certaines avaient quitté la région pour tenter leur chance dans le secteur pétrolier.
Aujourd’hui, les deux scieries de Conifex emploient 500 personnes.
Ce qui a tout changé? La Chine.
« Les usines qui ont fermé vendaient 85 % de leur production aux États-Unis », explique Ken Shields, chef de la direction de Conifex. « Lorsque nous les avons redémarrées, la croissance rapide de l’économie chinoise nous a avantagés. »
S’implanter en Chine ne fut cependant pas chose facile : les gouvernements fédéral et provincial et les entreprises intéressées ont dû coopérer pour concrétiser ces possibilités. Mais le jeu en a valu la chandelle.
« Certains trimestres de 2012, plus de la moitié de notre bois était expédié en Chine, se rappelle M. Shields. Pour moi, cette entrée sur le marché chinois du bois d’œuvre est à inscrire dans l’histoire commerciale du Canada. »
Lorsqu’il se rend à Fort St. James et à Mackenzie, M. Shields trouve incroyablement gratifiant de voir les effets du redémarrage des scieries dans ces collectivités dépendantes du bois d’œuvre.
« À l’époque, les municipalités étaient désespérées. Le taux de chômage était très élevé, et les assiettes fiscales étaient menacées parce que les principaux contribuables déclaraient faillite, raconte-t-il. Il fait bon revenir dans ces endroits aujourd’hui. Il y a de l’énergie dans l’air, et les activités sont revenues à la normale. On y est beaucoup plus optimiste. »
Avec le retour des chantiers aux États-Unis et l’essoufflement du géant chinois, Conifex vend désormais environ la moitié de son bois canadien au sud de la frontière. Cependant, un quart de sa production (représentant des revenus de plus de 50 millions de dollars l’an passé) prend toujours la direction de la Chine. La société n’a aucunement l’intention de mettre fin à son aventure sur ce vaste marché.
Selon Hans Thur, premier vice-président, Ventes et marketing de Conifex, l’entreprise continuera de miser sur ses relations et la solide réputation de son service à la clientèle. « Certains clients sont des partenaires de longue date, et même si, actuellement, les ventes sont moins importantes, nous sentons que les bases sont établies et qu’avec l’évolution des devises, la Chine restera accessible pour nous à l’avenir. »
M. Thur affirme que la plus grande surprise en Chine a été la rapidité avec laquelle les ventes de Conifex et d’autres entreprises britanno-colombiennes ont décollé. « Personne en Colombie-Britannique n’avait osé rêver des volumes de bois qu’on a expédiés en Chine en cinq ans », souligne-t-il.
À l’origine, Conifex souhaitait vendre en Chine un bois haut de gamme, mais l’entreprise a surtout expédié un produit de qualité inférieure pour le coffrage du béton et du bois pour la fabrication de lattes de finition intérieure. Elle y fait également la promotion de la construction à ossature de bois.
« C’est un processus à long terme, mais chaque année, nous réalisons des percées », note M. Thur.
Après les États-Unis et la Chine, le plus important marché d’exportation de l’entreprise est le Japon, où les bâtiments à ossature de bois sont courants et le bois de qualité, prisé depuis longtemps. Conifex exporte également au Mexique, aux Philippines, à Taïwan, au Vietnam, en Inde, au Pakistan et au Moyen-Orient; dans tous ces marchés, elle travaille à être plus présente.
Selon M. Thur, la règle d’or pour aborder un nouveau marché, c’est la patience. « Cela prend du temps. Vous pouvez avoir des ventes très acceptables, puis un jour les choses ralentissent un peu. N’abandonnez pas. La situation se rétablira si vous continuez à y mettre les efforts », explique-t-il.
Conifex a travaillé avec diligence à créer et à entretenir des relations qui lui permettent de vendre directement au client plutôt que de passer par un intermédiaire. Ainsi, elle peut mieux contrôler le service à la clientèle et limiter les coûts.
Selon Yuri Lewis, chef de la direction financière de Conifex, l’entreprise a fait de gros efforts pour recruter une main-d’œuvre diversifiée qui peut contribuer au processus de vente directe au client.
« Il faut avoir des compétences linguistiques et culturelles adaptées à chaque marché », observe-t-elle.
Celui qui s’aventure dans un nouveau pays et doit gérer des transactions appréciera aussi un soutien gouvernemental. « Si nous ne sommes pas à l’aise avec le dossier de crédit du client, nous utilisons une assurance d’EDC », conclut Mme Lewis.
Obtenez d’autres conseils sur l’exportation de Ken Shields, chef de la direction de Conifex, ici.