Chacun a son opinion sur le sujet. Une partie du problème, c’est justement la diversité des points de vue : les spécialistes, les professeurs, les politiciens, les prédicateurs et les journalistes, entre autres, nous proposent tous leur analyse de la conjoncture souvent surprenante qui prédomine depuis la fin de la récession. Mais il y a plus : le grand public s’exprime aussi sur la question par la voie des médias sociaux. Aujourd’hui, chacun peut occuper le devant de la scène simplement en usant de formules percutantes. Distinguer les éléments pertinents et farfelus peut donc se révéler laborieux. Qui devrait-on écouter? Pourquoi pas ceux qui joignent le geste à la parole? Dans les diverses industries, les directeurs d’achats doivent « placer leurs mises » afin d’acquérir les intrants nécessaires à la production des prochains mois. Alors, que nous disent-ils?
Ces dernières années, les enquêtes menées auprès des directeurs d’achats se sont multipliées. Aujourd’hui, elles ne sont plus seulement réalisées aux États-Unis, mais partout dans le monde. Les marchés développés et émergents ont lancé leur propre version des enquêtes originales, qui posent essentiellement les mêmes questions simples au sujet des activités et des intentions d’achat. Les observateurs du marché sont très intéressés par les plans prospectifs de ce groupe particulier – et pour cause : ses intentions sont un baromètre fiable de la performance économique à court terme.
L’indice des directeurs d’achats (ou PMI) le plus suivi est sans doute l’indice américain. L’Institute for Supply Management réalise ces enquêtes depuis longtemps, et les récents chiffres sont impressionnants. L’indice de diffusion pour les fabricants présente des chiffres parmi les plus élevés de la période post-récessionniste, et la composante des nouvelles commandes avoisine le sommet atteint durant cette période. Les directeurs d’achats du secteur des services misent sur la croissance depuis déjà un bon moment, et leurs chiffres sont tout à fait positifs, les nouvelles commandes menant le bal. Oublions la rhétorique populaire décrivant une économie américaine toujours languissante. Les acteurs du secteur manufacturier aux États-Unis se trouvent indéniablement dans un cycle d’embauche.
Si c’est le cas sur le marché américain, ce l’est manifestement sur le marché européen. L’indice régional du secteur manufacturier a oscillé autour d’une croissance nulle pendant la majeure partie de 2015, mais depuis la mi-2016, il a décollé et atteint 56,8 en avril – soit son niveau le plus élevé depuis cinq ans. L’indice pour le secteur des services affiche aussi une performance remarquable. Malgré l’acrimonie suscitée par les élections en France, les directeurs d’achats de l’Hexagone semblent les plus optimistes de la zone euro.
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À pareille date l’an dernier, les chiffres du Japon donnaient froid dans le dos. Les directeurs d’achats du secteur manufacturier japonais étaient d’humeur maussade. Résultat : l’indice total a plongé durant le mois de mai. Cependant, il y a eu par la suite un revirement convaincant : l’indice a renoué avec la croissance à des niveaux observés en 2013. L’indice pour les directeurs d’achats du secteur des services a chuté en septembre dernier, mais seulement de façon passagère. Cet indice annonce aussi une expansion à court terme.
Ce dynamisme est sans doute le reflet du regain d’activité qui gagne l’ensemble de la région. En Chine, même si les données pour le secteur manufacturier ne sont pas extrêmement positives, les directeurs d’achats sont davantage convaincus que la croissance est au rendez-vous qu’au début de 2015. Ils ont renoncé à leur déprime de la mi-2016, et leur confiance s’est généralement améliorée. Par ailleurs, les fournisseurs de services chinois se disent de plus en plus optimistes, et leur indice s’oriente à la hausse. D’ailleurs, ce chiffre devrait sans doute s’améliorer à mesure que les consommateurs de la Chine deviennent au fil du temps plus riches et plus confiants.
Singapour, qui fait office de baromètre régional, connaît ces derniers mois à un regain de ses exportations et de son activité manufacturière – et les directeurs d’achats emboîtent aussi le pas. Ils perçoivent une embellie inégalée depuis le rebond du début de 2013, soit après la récession. Les autres acteurs économiques sont plus optimistes, et on observe une modeste tendance à la hausse. Le récent sursaut constaté à Taïwan, à Hong Kong et au Vietnam est aussi révélateur d’augmentations dans la région, qui varient cependant en fonction des économies. Il est possible que l’on cherche encore à s’adapter aux cours plus faibles des produits de base et aux stocks excédentaires de produits bruts.
La tendance générale est encourageante. Les nations développées semblent prendre les devants, les États-Unis et l’Europe jouant le rôle de locomotives de la croissance. Cette amélioration se produit beaucoup plus lentement que prévu, mais le mouvement actuel semble montrer une trajectoire de croissance positive qui qui tranche avec la cadence de l’économie mondiale des dernières années – et qui nous donne peut-être un aperçu de la « véritable » reprise mondiale qui a jusqu’ici fait défaut.
Conclusion?
Ils ont de nombreuses raisons d’hésiter et de limiter leurs dépenses. Pourtant, les directeurs d’achats misent sur la croissance. S’ils décident de délier les cordons de leur bourse, ne devrions-nous pas au moins envisager de faire de même ?