L’investissement : le fils prodige de ce cycle économique?

Dans le monde des indicateurs économiques capricieux, il remporte sans doute la palme. L’investissement a été le boute-en-train pendant une grande partie du dernier cycle de croissance, et il a maintenu et alimenté les excès jusqu’à la fin de la fête – c’est-à-dire l’éclatement de la crise. Le lendemain, notre réveil s’est accompagné d’un énorme mal de tête causé par un surplus de capitaux – des immeubles et des équipements en trop partout sur la planète. Pour soigner ce mal de tête lancinant, nous avons tenté de relancer l’investissement, cette fois à coup de fonds publics. Cela a fonctionné – mais seulement pendant un temps. Nous nous sommes bientôt remis à la tâche d’éponger les excès. Ce processus est-il terminé?

Dans une conjoncture habituelle, l’investissement mondial serait depuis longtemps revenu à la normalité. Pourtant, dans la présente conjoncture, cinq grands facteurs ont retardé ce processus. J’ai déjà mentionné le premier facteur : l’excédent de capitaux à la fin du cycle de croissance. Pourquoi est-il si important cette fois-ci? Parce que le cycle a été nettement plus long qu’à l’ordinaire, ce qui a donné aux investisseurs une dose d’invincibilité qui a stimulé l’activité. Et parallèlement, les technologies de pointe ont facilité l’exportation de ces excès vers des régions du globe sans doute plus que lors des autres cycles. Ces excès n’étaient pas uniquement présents dans le monde développé, mais ils ont aussi gagné les marchés émergents. Et, pour sa part, le secteur des ressources n’a pas été épargné par la montée du cours des produits de base.

L’investissement a aussi été retardé par l’injection massive de fonds de relance dans la foulée de la récession. Ces fonds ont permis la mise en œuvre de projets qui auraient été réalisés durant un intervalle plus long. Lorsque les fonds publics ont été épuisés, l’ampleur du retrait n’a rien fait pour encourager des investisseurs commerciaux déjà réticents. Les marchés émergents ont connu leur propre version de ce scénario, qui est à l’origine d’un troisième facteur de retardement. La crainte, sur des marchés émergents clés, que l’investissement ne suive pas l’impressionnant élan économique a entraîné une accélération de l’investissement dans les deux chiffres, et ce, année après année. Ralentir cet élan et composer avec une grave récession n’a pas été une tâche facile. Voilà pourquoi des géants comme la Chine doivent maintenant gérer un excédent de capacités.

Un quatrième facteur a retardé l’investissement : le contexte dans le secteur des ressources. Une destination privilégiée des projets d’investissement avant la récession, ce secteur a maintenu son dynamisme après la récession grâce aux cours élevés des produits de base. Le plongeon des cours qui s’est amorcé à la mi-2014 a révélé des excès dans les zones visées par des projets énergétiques et miniers. Résultat : l’investissement y est en nette diminution depuis quelques années.

Que nous réserve l’avenir? Ces dernières années, nous constatons que la capacité inutilisée a continuellement baissé. Les taux officiels d’utilisation de la capacité s’approchent du seuil où de nouveaux investissements seront essentiels. Même le secteur des ressources, après deux ans de transformation, montre des signes de redémarrage de l’activité. Malgré tout, les données récentes sur l’investissement des entreprises restent décevantes. L’investissement américain dans les structures et l’équipement affiche en moyenne une hausse annuelle d’à peine 0,3 % en taux annualisés depuis le début du quatrième trimestre de 2014. Depuis, sa part du PIB a chuté alors que sa croissance a été dépassée par d’autres catégories. Le Canada se trouve dans une situation semblable, même si en part du PIB, l’investissement s’approche du creux atteint après la récession. Dans ces deux cas, l’investissement dans le secteur énergétique joue un rôle, tout particulièrement pour le Canada. Mais dans ces deux cas, des éléments clés de l’investissement hors ressources restent peu dynamiques. Comment l’expliquer?

En plus des facteurs déjà cités, la dimension psychologique joue aussi un rôle. Soyons francs : les entreprises sous-investissent depuis déjà longtemps. Depuis un intervalle si long que même les plus avertis considèrent qu’il s’agit de la nouvelle normalité – et pour bon nombre de décideurs, c’est le seul environnement qu’ils aient connu. Cet intervalle est sans doute suffisamment long pour que les entreprises trouvent des façons novatrices de limiter leurs dépenses en capitaux. Ajoutons à cela l’incertitude des politiques engendrée par le référendum sur le Brexit et l’élection américaine, et nous avons une raison de plus de prolonger cette pause. Pourtant, la logique nous dicte que le resserrement de la capacité est le meilleur moyen de provoquer une relance de l’investissement, qui est d’ailleurs imminente. Mais si c’est le cas, les signes distincts de cette relance se font très discrets.

Conclusion?

La présence – ou l’absence – d’investissements aura un effet déterminant sur la croissance économique de demain. Or, aujourd’hui, l’intransigeance semble dominée. Espérons que l’optimisme naissant changera ce tableau.

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