Destination à moyen terme de l’infrastructure

Le terme « infrastructure » est dans l’air du temps. Cela n’a pas toujours été le cas. D’habitude, ce mot de quatre syllabes se confine au milieu universitaire, à la sphère des décideurs et aux bureaux exigus qui sont chargés du développement économique. Ce mot, popularisé par les programmes de notre époque et plus récemment par les vastes programmes de relance budgétaires déployés après la récession, est de plus en plus prisé par le secteur privé et semble être maintenant sur toutes les lèvres. L’infrastructure est-elle une simple vogue ou bien fait-elle partie du vocabulaire économique à moyen terme?

Depuis longtemps, le secteur de l’infrastructure a prouvé son importance dans une économie qui tourne. Des temps anciens à aujourd’hui, la capacité à se doter d’infrastructures supérieures a été un net différenciateur économique. En Occident, la période de paix ayant suivi la Deuxième Guerre Mondiale a imprimé un magnifique élan à l’infrastructure, qui a pris diverses formes aux États-Unis : la construction d’autoroutes reliant les États, ainsi que l’aménagement de nouvelles infrastructures en santé et en éducation, et d’autres installations destinées à répondre aux besoins de la génération du baby-boom. D’autres économies comme le Canada ont emboîté le pas. Depuis, nous nous sommes habitués aux indéniables avantages liés à la construction d’infrastructures modernes à grande échelle.

Pourtant, toute cette activité a eu des conséquences fâcheuses. Les dépenses d’infrastructure excédant les recettes, les déficits publics se sont mis à grimper. Le secteur de l’infrastructure n’était pas le seul coupable, mais il était une cible facile au moment de sabrer les programmes. Pourquoi? Parce que retarder ou reporter des dépenses en infrastructure améliore le bilan du jour au lendemain, et ce, sans induire d’effets négatifs immédiats. Toutefois, les infrastructures prennent de l’âge, et les signes ne trompent pas : routes dégradées, ponts délabrés qui parfois s’effondrent, réseaux de traitement des eaux en mauvais état, et la liste continue. Dans les pays développés, l’austérité a créé d’énormes déficits infrastructurels qu’il est impératif de combler. Dans le même temps, les marchés émergents en plein essor ont dû mettre les bouchées doubles pour suivre l’évolution de leur économie.

La grande récession a donné un nouveau souffle au secteur de l’infrastructure. Face à la quasi-débâcle de l’économie, les gouvernements ont injecté d’immenses fonds de relance, dont bon nombre affectés à l’infrastructure et tout particulièrement aux projets « prêts à démarrer ». L’image de ce secteur auprès de la population pourrait être ternie si cette activité ne redynamise pas l’économie dans son ensemble. Est-ce le cas?

Bien au contraire, ce secteur semble plus populaire que jamais. Il était un élément clé de la plateforme électorale du président Trump et il est toujours bien présent dans les discussions faisant écho au slogan « Make America Great Again ». Selon de récentes estimations, aux États-Unis, le déficit en infrastructure atteindrait les 3,3 billions de dollars. Même si l’Amérique dépense chaque année plus de 450 milliards de dollars dans les infrastructures, le simple maintien des plans de dépenses ne permettrait pas d’éponger le gros du déficit au cours de la prochaine décennie. En guise de riposte, l’Administration Trump a proposé un programme de dépenses de plus de 1 billion de dollars, portant ainsi la valeur des projets hautement prioritaires à 137 milliards de dollars. Si la proposition va de l’avant, elle augmenterait sensiblement les dépenses totales en infrastructure. Convaincre le Congrès ne sera pas une mince affaire. Malgré tout, la mise en œuvre même partielle du plan générerait des débouchés considérables. Les Canadiens vont-ils en bénéficier? Sans doute. Pour le savoir, il faut examiner trois facteurs. Tout d’abord, la construction est un secteur très sensible à l’échelle nationale. Les entreprises américaines s’attendront donc à être les premières à profiter de ces projets clés, les travailleurs américains s’attendront à décrocher la plupart sinon la totalité des emplois, et la population voudra voir les ponts flambant neufs arborer le drapeau américain. Le deuxième facteur, la capacité, est d’une importance fondamentale. Si on oublie la rhétorique utilisée lors de la campagne, les États-Unis doivent composer avec un resserrement de leur capacité industrielle. Bon nombre d’industries tournent à plein régime et peinent à créer de nouvelles capacités. La main-d’œuvre – et en particulier la main-d’œuvre qualifiée – est difficile à trouver. Les capacités étrangères pourraient donc être fort utiles.

Enfin, troisième facteur : la difficulté à obtenir du financement. La dette publique américaine avoisine les 105 % du PIB, ce qui limite sérieusement la marge de manœuvre budgétaire pour la mise en œuvre de programmes comportant de fortes dépenses. Le plan actuel prévoit, en grande partie, de faire appel à des capitaux privés, qui ne devraient pas se faire trop prier compte tenu de la constance des rendements à long terme liés aux projets d’infrastructure. Or, le Canada abrite certains des bassins de capitaux disponibles parmi les plus vastes au monde, et ces bassins pourraient jouer un rôle prédominant dans les projets d’infrastructure aux États-Unis – ce qui ouvrirait la porte à d’autres formes de participation canadienne.

Conclusion?

Le secteur de l’infrastructure n’a rien perdu de son éclat. En fait, chez nos voisins du Sud, les nouveaux programmes ont fière allure et annoncent une intense activité à moyen terme. Voilà de belles occasions en perspective là-bas et sur d’autres marchés en forte croissance. D’ailleurs, l’effervescence observée aux États-Unis pourrait bien éclipser l’activité sur ces marchés.

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